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Le blog de Robin Guilloux

Ce blog a pour ambition de faire connaître et apprécier la région Centre et en particulier la ville de Bourges. Je souhaite y faire partager mes goûts pour la poésie, la littérature, la peinture, le cinéma... J'y aborde également des questions qui me tiennent à cœur, souvent liées à l'actualité, en particulier le système scolaire (je suis enseignant), mais aussi la politique au sens large du terme et les problèmes de société.

L'art doit-il imiter la nature ? (Explication d'un texte de Hegel)

Hegel, L'art doit-il imiter la nature ? (Texte + Questions) - Le blog de Robin Guilloux

Hegel, L'art doit-il imiter la nature ? (Texte + Questions) - Le blog de Robin Guilloux

L'auteur : Georg Wilhelm Friedrich Hegel, né le 27 août 1770 à Stuttgart et mort le 14 novembre 1831 à Berlin, est un philosophe allemand. Son œuvre, postérieure à celle de Emmanuel Kant, ap...

http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2021/07/explication-d-un-texte-de-hegel-sur-l-art.html

"C'est un vieux précepte que l'art doit imiter la nature ; on le trouve déjà chez Aristote" : Dans la Poétique , Aristote reprend en effet le concept de mimesis  exposé dans la République de Platon et présente lui aussi, l'art comme une imitation, mais alors que Platon critique l'imitation, Aristote la réhabilite.

Pour Platon, l'imitation est doublement éloignée de la vérité car l'artiste ne fait qu'imiter l'objet produit par l'artisan ou par la nature qui imitent eux-mêmes l'Idée (l'archétype) de l'objet, par exemple le peintre imite le lit fabriqué par l'artisan qui imite l'Idée, l'archétype du lit.

Hegel explique qu'on pouvait se contenter de l'idée de l'art comme imitation quand la réflexion n'en était qu'à ses débuts. Elle contient une part de vérité, mais seulement comme un moment du développement de l'Idée.

Pour Hegel, la vérité n'est pas intemporelle, elle se développe dialectiquement dans l'histoire en passant par des étapes successives. 

L'une de ces étapes, selon Hegel est la reproduction habile d'objets tels qu'ils existent dans la nature.

Pour défendre sa thèse, Hegel simplifie la conception aristotélicienne de l'art car pour Aristote, l'objet tel que le représente le poète ou l'artiste est plus beau qu'en réalité, par exemple la peinture d'une chose horrible peut être belle. En outre, les hommes accèdent à une certaine forme de connaissance car le poète ou l'artiste permettent de faire connaître l'essence des choses. L'imitation ressemble à l'objet imité mais n'est pas lui et peut être belle, même si le modèle n'est pas beau, ce qui procure du plaisir au spectateur.

La définition de l'art comme reproduction habile d'objets tels qu'ils existent dans la nature est purement formelle car l'artiste ne fait que reproduire l'apparence des objets et non leur essence en les redoublant de manière tautologique, comme le fait un miroir, par exemple en peignant une grappe de raisins qui existe déjà.

L'imitation de la nature est donc "oiseuse" et "superflue". Elle est inutile, elle fait perdre son temps et elle n'ajoute rien à ce que la nature nous offre déjà, bien au contraire.

Hegel présente cette démarche comme un "jeu présomptueux" car l'artiste présume de ses capacités en prétendant rivaliser avec la nature.

Il explique ensuite pourquoi il en est ainsi : l'art est limité dans ses moyens d'expression et ne peut produire que des illusions unilatérales, offrir l'apparence de la réalité à un seul de nos sens.

L'art, en l'occurrence la peinture, ne peut solliciter qu'un seul de nos sens : la vue, alors que la nature sollicite aussi le toucher (le relief), l'odorat, le goût, et l'ouïe. L'art ne peut pas nous offrir la vie réelle, mais seulement une caricature de vie, une vie incomplète, mutilée.

Hegel donne ensuite l'exemple de peintres célèbres dans l'antiquité grecque : Zeuxis et Praxeas.

La légende rapporte que Zeuxis peignait des raisins de façon si réaliste que les pigeons venaient les picorer et on raconte qu'un jour Praxeas avait reproduit un rideau qui trompa le peintre lui-même qui le prit pour un vrai rideau.

Pour les contemporains de Zeuxis et de Praxeas, ces illusions crées par l'art constituent le triomphe de l'art, le plus haut sommet que l'art puisse atteindre dans la mesure où l'art a été défini comme la représentation fidèle du réel, que ce soit de la nature (des raisins) ou d'un objet fabriqué par l'homme (un rideau).

Hegel ne partage pas l'enthousiasme des contemporains de Zeuxis et de Praxeas. La représentation fidèle du réel relève de l'habileté technique, en aucun cas de l'art véritable.

Pour exprimer la distance qui sépare l'art du trompe l'œil de l'art véritable, il le compare aux efforts d'un ver pour égaler un éléphant.

La récompense que mérite un tel art est celle que réserva, dit-on, l'empereur Alexandre à un homme habile à faire passer des lentilles par une fente : un boisseau de lentilles.

La critique hégélienne de l'imitation rejoint ce que dit Pascal dans Les Pensées : "Quelle vanité que la peinture, qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux !"

Hegel donne un autre exemple d'imitation inspiré par Emmanuel Kant, celle des hommes qui savent imiter à la perfection le chant du rossignol. Dès que nous nous apercevons, dit-il que c'est un homme qui chante ainsi et non un rossignol, nous trouvons aussitôt ce chant insipide.

Ce n'est pas la qualité du chant lui-même que nous trouvons insipide, puisque un homme peut imiter à la perfection le chant du rossignol,  mais le fait que nous nous apercevons que ce chant est celui d'un homme qui imite un rossignol et non le chant d'un vrai rossignol.

"Nous y voyons un simple artifice, non une production de la nature ou une œuvre d'art". Autant le chant du rossignol nous réjouit parce qu'il nous semble exprimer des sentiments humains comme la joie ou le ravissement, autant l'imitation d'un rossignol par un homme nous déçoit. 

Hegel aboutit donc à l'inverse de la thèse d'Aristote : ce qui nous réjouit n'est pas l'imitation de la nature par l'homme, mais l'imitation de l'homme par la nature.

Dans l'acte III, scène 5 de Roméo et Juliette de Shakespeare, Roméo associe le rossignol à la nuit d'amour qu'il vient de passer avec Juliette et  qu'il voudrait prolonger indéfiniment. Le chant du rossignol exprime les enchantements de la nuit, alors que Juliette associe le chant de l'alouette aux inquiétudes de l'aurore. 

Comme le dit Hegel, le chant du rossignol et celui de l'alouette sont  associés à l'expression de sentiments humains : le rossignol à la félicité, l'alouette à l'inquiétude.

Pour  Hegel ce qui naît de l'esprit, même si c'était la chose la plus laide au monde, reste tout de même supérieur à la plus belle création de la nature, car ce qui naît de l'esprit est doublement né, d'abord de la nature, puis de l'esprit.

Et dès lors qu'il n'est plus tenu d'obéir au précepte d'imiter la nature, l'art pourra évoluer librement vers des formes d'expression de plus en plus éloignées de la représentation : l'impressionnisme qui, comme son nom le suggère, n'exprime pas la nature mais les impressions qu'elle produit, le cubisme, le fauvisme, le surréalisme, l'art brut et même s'affranchir de la représentation, en ne conservant de la nature que les couleurs et les formes, pour exprimer le monde intérieur de l'artiste dans l'art abstrait.

Les artistes modernes, rompent avec la conception aristotélicienne de l'art comme "imitation de la nature". Dans ses œuvres, Paul Klee ne retient que des formes, des traits, des figures géométriques, des couleurs. Ils sont le langage nouveau dont   Théorie de l'art moderne   est la grammaire, mais non les apparences que nous percevons.  L'art ne reproduit pas le visible, dit Paul Klee, il rend visible".

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L’art imite-t-il la nature ?

L’art représente un domaine de l’activité humaine lié à la fabrication, qui prend des formes historiques diverses. Au sens large, c’est tout ce que l’homme ajoute à la nature. Faut-il opposer art et nature ou les voir comme complémentaires ?

I.  L’art imite ou suit la nature

L’art doit imiter la nature. C’est ce qu’affirme Aristote : « Nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres » ( Poétique ).

L’imitation ( mimêsis en grec) d’une réalité, même repoussante ou effrayante, apporte un plaisir à l’esprit humain. C’est la fonction de l’art figuratif, qui s’efforce de donner l’illusion du réel . Dans l’Antiquité, le peintre Zeuxis imitait si parfaitement les raisins peints sur les murs que les oiseaux, dit-on, venaient se casser le bec sur sa peinture.

Platon condamne cet art de l’illusion : si l’art produit de belles apparences trompeuses, il est moralement condamnable et les artistes doivent être chassés de la cité, « car ces poètes ne créent que des fantômes et non des choses réelles. »

Dans la Critique de la faculté de juger , Kant voit la nature comme la source de l’art  : « La nature donne ses règles à l’art. » Pour lui, l’artiste est un interprète ou un porte-parole de la nature.

II.  L’art est une création de l’esprit

Voir en la nature sa seule source, n’est-ce pas réduire l’art à un jeu stérile et à une pure virtuosité technique ? L’art, par l’intermédiaire de la main et des outils, est une création de l’esprit qui transforme notre perception du réel et nous élève à une réalité proprement spirituelle.

1 ) L’art est dans la forme

À noter Le grec dispose de deux termes que nous traduisons par « art » : la technè , qui a donné « technique », désigne la production ou la fabrication à partir de matériaux ; la  poïesis , qui a donné « poésie », désigne la création de quelque chose de nouveau.

Pour Platon, l’art ne doit pas représenter la réalité telle qu’elle est, mais l’idéaliser pour élever l’âme vers la contemplation des Idées. Il a un rôle d’ éducation de l’âme , qui doit s’élever des apparences sensibles aux Idées intellectuelles.

Le beau préfigure le vrai. Plotin, disciple de Platon, insiste sur la forme qui idéalise la matière sensible  : « Il est clair que la pierre, en qui l’art a fait entrer la beauté d’une forme, est belle non parce qu’elle est pierre […], mais grâce à la forme que l’art y a introduite. »

La valeur de l’art est dans la belle forme , quel que soit l’objet représenté. Ainsi, Rembrandt peint une carcasse de bœuf écorché et Goya des « grotesques » hideux. Ce qui fait dire à Kant que « la beauté artistique est une belle représentation d’une chose. » Le beau est donc dans la forme de la représentation, et non dans la chose elle-même.

2)  L’art est une production libre de l’esprit

Cette importance de la forme libre, indépendamment de l’objet, fait voir dans l’art une production libre , par opposition à la production nécessaire et mécanique de la nature et de la technique : « En droit, on ne devrait appeler art que la production par la liberté » (Kant, Critique de la faculté de juger ).

Hegel insiste sur l’histoire de l’art comme progrès de l’esprit vers des formes d’expression de plus en plus immatérielle, des pyramides à la musique et la poésie. Toute œuvre de l’esprit, soutient cet auteur, même l’invention du clou, est infiniment supérieure à la plus habile imitation de la nature.

Notre regard sur la nature est imprégné par l’art, au point que Hegel ou Oscar Wilde affirment que c’est la nature qui imite l’art  : quand on admire le chant du rossignol, c’est qu’il nous semble exprimer des sentiments humains.

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